Suite du combat Reek, Drusilla, Rekhan - Ennemis

Etre si proche l’un de l’autre, lame plantée dans le cuir, infligea une terrible blessure à l’animal et sa douleur n’avait d’égale que sa rage. Furieux, outré, honteux et blessé moralement, le porc n’en devint que plus déterminé et ce furent ses dents qui saisirent Reek au genou.

La chair s’ouvrit, mais la prise ne tint pas. Car l’homme-chien, loin du tumulte saisissant de la bataille tout proche – il n’avait pas entendu l’agonie de l’animal, ni ne savait ce qu'il en était de ses acolytes – lui était tout à ce jeu du corps à corps, lutte ultime pour la vie. Et qui se jouait dans des instants infiniment brefs.

Il tira de l’échine de l’animal une dague, qu’il planta tout de go dans l’œil de pourceau, tandis que l’autre main et sa lame dégageaient loin du cochon le corps tout entier.

Fin du combat

Le sanglier poussa un cri terrible sous la pression des lames de Reek dans ses yeux. Il se débâtit quelques longs instants et finit par rendre l’âme dans un râle mêlé de sang qui dégoulina d’entre ses mâchoires.

Et l’estomac de l’homme-chien gargouilla, tandis que son cœur se réjouissait de cet accomplissement.

Un coup d’œil à ses compagnons d’infortune : ils tenaient debout et, ô magie, un feu crépitait déjà, allumé sans doute par Drusilla dont le regard rayonnait de fierté. Sans doute un joli coup que Reek venait de louper. Mais le festin qui s’annonçait, il ne le louperait pas.

Victoire !

Il allait se jeter tout crocs sur la bouffe, mais un éclair de civilité lui intima de se justifier :

- On s’prend une bête chacun, équitable  hein ? J’prend celle-là, j’lai bien tuée après tout. Et comma chacun ses goûts, moi c’est chaud et cru.

Il se lécha alors les babines et se changea en chien-garou. Puis retira son armure devenue peu confortable avec sa masse de poils et son corps canin, avant d’ouvrir le ventre de la bête dont il éparpilla les entrailles. Ah, douceur de viande fraîche, il dévora la chair avec grand appétit, oubliant peu à peu les douleurs de la bataille.

Reek dépeçait, tranchait de ses canines, arrachait et engloutissait la chair par lambeau. Il  semblait dans un autre monde, tout à sa bouffe qu’il était, mais il entendait pourtant bien ce qui se racontait. Son appétit diminuant rapidement – il fallait voir à allure il avalait sa viande – il fut bientôt repus. Pour la gourmandise il arracha un jarret et le grignota tout en se relevant pour aller vers les autres.

Il les regarda l’un puis l’autre. Reek trouvait une tronche louche à cette Drusilla qui refusait ce repas pourtant bien mérité. Rekhan semblait plus « normal », malgré ses ailes noires… Ah ouais c’est vrai ça… Il avala sa bouchée et se mue en humain pour s’adresser à lui :

- J’te laisse les deux sangliers là et les restes du mien, pour c’que tu peux en faire. Mais j’voulais savoir, c’est quoi au juste ta paire d’ailes ? D’la magie ou bien c’est de naissance ?

La retenue et la pudeur n’étaient du monde de Reek, tout nu et curieux qu’il se trouvait à présent. Il y avait, pour beaucoup, plus d’animal que d’homme dans cet être-là.

Alors que Rekhan répondait franchement et brièvement, Reek crut apercevoir du coin de l’œil le regard de Drusilla se promener sur son corps nu…

Eh, si c’est ça qu’elle veut, j’pourrais bien lui donner !... ‘fin elle me fout les foies un peu quand même… Mais, mais, mais…

Sentant que l’afflux de sang pouvait à présent se ruer à tout moment vers son sexe de jeune homme vigoureux, le thérianthrope s’intima de penser ailleurs, à autre chose, et poursuivit sa discussion avec l’homme ailé.

- Nan, j’suis pas né comme ça mais bien humain. C’t’un chien qui m’a mordu alors que j’étais tout gosse.

Il considéra alors ce qu’avait découpé le stryge, hochant la tête comme approuvant, mais c’était une diversion : il croisa le regard de la femme  et le soutint de ses pupilles brillantes jusqu’à lui faire un infime, ô si discret, petit clin d’œil… Puis de reprendre à l'intention des deux.

- J’compte rien embarquer perso, j’essaie d’pas m’encombrer. Puis j’ai le nez et les crocs pour chasser à peu près n’importe où alors emmener des réserves, pas mon truc. J’vais reprendre la route, direction le nord jusqu’à la fin d’cette forêt. Si vous allez dans la même direction, eh, on pourrait se serrer les coudes, se défendre mieux et se tenir chaud.

Et de conclure d’un large sourire pour que ses derniers mots sonnent comme une blague.

M… ma parole… mais c’est qu’elle le veut vraiment !...

Rekhan avait empaqueté le plus de viande qu’il pouvait et, tout à fait poliment, avait refusé leur compagnie pour la suite de son voyage. Choix tout à fait respectable, la solitude était une compagne fidèle de Reek et il ne s’en plaignait pas.

Aujourd’hui était différent cependant… Car voilà qu’il se retrouvait seule avec une fille – une vraie – et qu’elle lui proposait de la suivre se baigner.

Aaaah, se baigner ça veut dire se mettre à poil… Et cet air qu’elle se donne… aaaah ! elle est vraiment différente des autres gonzesse celle-là…

- Oui, oui, excellente idée ! Allons-y !

Il sentait sa nervosité monter alors qu’il rassemblait ses affaires pour les porter jusqu’à ce fameux cours d’eau. Angoisse et désir se mêlaient. Angoisse car il ne savait rien de Drusilla et qu’elle ne lui inspirait guère confiance. Mais son désir écrasait toute prudence et il ne pouvait laisser passer une telle occasion.

Quand la main menue de Drusilla vint saisir celle de Reek, bien plus rêche et cornée, l’homme-chien sentit son cœur accélérer comme un fou. Allait-il exploser ? Ou bien était-ce Reek tout entier qui ne survivrait pas à ce contact ? Aucun mot ne pouvait plus sortir de sa bouche. Il acquiesça d’un sourire idiot et suivit l’objet de son désir à travers les beautés de la forêt.

Ses yeux étaient tout à elle et pourtant, ils durent s’en détourner car elle souhaitait qu’il pénètre l’eau avant elle. Il jeta plus qu’il ne posa ses affaires contre un arbre à quelques pas de la rive puis sauta dans l’eau avant de se retourner vers elle…

Elle. Pourquoi voulait-elle de lui ? Aucune femme ne voulait jamais de lui, ses tentatives de séduction s’étaient toutes soldées par des rejets, des insultes et des moqueries dont le sujet était ebien souvent l’odeur de chien mouillé qu’il se traînait. S’il lui était resté un brin de cervelle il aurait pu comprendre que ce bain relevait sans doute moins de l’érotisme que d’une question de parfum un peu trop… fort ? animal ? Qu’importait, Reek oubliait sa condition d’être nauséabond dans ces circonstances si délicieuses.

Alors qu’il reculait doucement dans la fraîcheur de l’eau, il dévorait du regard Drusilla qui se déshabillait avec volupté. Découvrant sa peau petit à petit, elle se faisait envoûtante, révélant un corps qu’il trouva parfait. Et qui vint vers lui, fendant l’onde au milieu des murmures de la forêt, jusqu’à ce que sa main, cette main si douce, vienne caresser le torse du jeune thérianthrope.

Drusilla n’était à l’évidence pas femme à se laisser faire sans prendre d’initiative. Elle repoussa et fit basculer Reek sur la berge, avant de venir gouter ses lèvres… Doucement d’abord, puis avec plus de fermeté, elle entrainait l’homme-chien dans sa fouge et lui, jeune et inexpérimenté, se délectait de ce délice qu’il découvrait avec régal.

La force de Drusilla était pour le moins… surprenante. Mais dans cette étreinte qu’ils avaient engagé, Reek n’avait plus la capacité – ni la volonté – de remarquer un tel fait.