Un nouvel intrus venait de faire irruption sur le navire, interrompant à son tour le bon déroulement des opérations. Un humain. Mais ce n'était pas Arutha ConDoin, l'habituel compagnon de voyage de Kiloë. Qu'importe, pour Saigo comme pour Styx, il ne s'agissait que de nuisibles à classer au même rang que de vulgaires insectes à éliminer au plus vite.

Un insecte, d'ailleurs, le vampire venait d'en faire apparaître un depuis son oreille. Dans une démonstration de toute sa puissance, le clown avait fait appel à un ami, à un mille-patte gorgé de magie et de la taille d'un ours, puis à un double de lui-même. Un rictus mauvais se dessina sur le visage de l'Exécuteur.

Et bien... il ne fait pas les choses à moitié !

C'était une excellente chose, que de voir un Styx concentré sur une tâche. Cela représentait l'assurance que les choses allaient aller vite. Très vite. De son côté, Saigo ne comptait pas rester en retrait. Si son rôle dans les plans de grandeur du clown était celui de "chef des armées", ou quelque chose du genre, alors il était temps d'agir comme tel. Il fît un pas en avant, les dagues en évidence, prêt au combat.

Leurs assaillants étaient pitoyables, de vrais amateurs. D'ordinaire, lorsqu'on attaque quelqu'un par surprise, comme cela devait être prévu, on ne perd pas de temps à se regarder dans le blanc des yeux. Si la Congrégation de l'Ombre s'était retrouvé à leur place, le travail aurait déjà été fait. La conséquence, c'est que les intrus avaient perdus l'effet de surprise, et ne semblaient pas déterminés à attaquer.

Les imbéciles. Ils n'espèrent tout de même pas qu'on va se rendre bien docilement ?

Toujours était-il que la garde personnelle de Styx se lançait déjà sur l'elfe et l'humain. Sans réfléchir plus longtemps, le Faucheur déploya ses ailes, bondit au-dessus de la mêlée et plongea en piqué sur celui que son ami avait nommé Dougal Keane. Un coup de griffe plus tard, et sa cible était livrée sur un plateau à la seconde vague d'assaillants.

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'Attaque - Stryge N' :

Faustus attaque Dougal.

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'Attaque - Vampire' :

Dans une mare de sang les Dragonniers sont désormais défaits... Le contrat - attaque surprise ayant échoué, le contrat Saigo - Styx - Shakti est annulé, à cause d'un échec cuisant. En contrepartie, Saigo & Styx gagnent chacun 10 points de faction. Le RP peut continuer et les dragonniers prennent la fuite.

Styx porta un regard de mépris sur ces abrutis qui repartaient comme ils étaient venus ; en loosers, regagner leurs montures, de loosers, pour voguer vers leur guilde de loosers.
Il soupira longuement, avant de s'assoir sur la rambarde du bateau, croisant ses bras derrière la tête. D'un claquement de doigts il désinvoqua ses alliés, et d'un autre, sa pipe à herbe du démon s'alluma d'elle-même. Je déteste les faibles au plus haut point... si ça ne tenais qu'à moi je serais rentré raser le campement des Dragonniers, ces idiots menés par un vieillard même pas foutu de retenir sa vessie poussiéreuse. Mais bon, la Dame est ma priorité. Restons calme. Aaaaah...

Saigo lui avait donné rendez-vous sur les plages de Wysteria dans une semaine, et le clown commençait déjà à ressentir de nouvelles âmes dans sa toile spirituelle. De nouvelles proies à dévorer...

Il tourna un regard vers ce Stryge qu'il avait longtemps méprisé, et lui lança un vague sourire. ( Chose qui venant de l'arlequin tient du miracle le plus rare ). Ensuite, il s'assoupit, ses énergies ayant été canalisées au cours des derniers jours sans concessions aucunes.

Lorsque le bateau accosta, l'arlequin, comme changé, parla d'un ton neutre et cordial à Saigo, le remerciant de ce périple, et en lui remettant une longue cape à capuchon, toute orange, qu'il était prié de porter lors de la cérémonie.

" Ne viens que si tu es sur de tes envies. "




- Est-ce que cette cérémonie comprends... des relations... int..




Le meneur de cérémonie regarda l'innocente créature avec tendresse, et lui plaça une griffe acérée sous la gorge. L'enfant ouvrit la bouche, et il y fut déposé l'étrange mélange d'Equinox. Le gamin se mit à flotter dans les airs, ses veines se gonflaient, ses muscles convulsaient. Il resta néanmoins dans les airs, à attendre Saigo...

Styx eut un petit rire amusé en se demandant s'il allait devoir expliquer au Cavalier que faire du sacrifice...

Le "problème" des Dragonniers avait été vite expédiés, et ces derniers repartaient aussi vites qu'ils étaient venus, humiliés et blessés. Voilà qui devrait leur passer l'envie de revenir... Les deux assassins de la Congrégation, contrairement à leur combat précédent, n'avaient pas fait durer les choses. Tout deux avaient mieux à faire. Leurs regards s'orientaient maintenant vers le futur, qui contre toute attente, leur était commun. 7 jours. Dans une semaine, Saigo retrouverait Styx dans un lieu précis, et là, les plans de l'arlequin lui seront révélés. L'Exécuteur ne comprendrait sûrement pas tout, mais était-ce nécessaire ? Après tout, il n'était bon qu'à tuer des gens. Les détails, très peu pour lui.

Avant de prendre congé, le vampire remis au stryge noir une longue cape orange, dotée d'une capuche. Comme d'habitude avec le clown, le style du vêtement était douteux, et la couleur, bien peu adaptée à un assassin. En s'en saisissant, le Faucheur soupira.


Pourtant, sept jours plus tard, il avait revêtu ladite cape, alors qu'il se dirigeait vers la plage où ils avaient accostés. À peine avaient-ils mis pied à terre que l'assassin s'était rué dans la forêt. Voyager avec Styx, même si ce dernier avait subitement changé, demeurait épuisant psychologiquement, et le stryge solitaire ressentait le besoin d'évacuer tout cela dans le sang.

Pendant sept jours et six nuits, l'Exécuteur vagabonda dans une forêt, avec pour seul but de découper tout ce qu'il trouverait. Il avait mis la main sur une paire de dague d'une qualité supérieure. Deux doubles-lames, serties de pointes, tranchantes comme les lames d'un rasoir. Avec elles, il avait fait couler tous le sang possible, tout en prenant soin de humer constamment l'air teinté d'hémoglobine.

Bordel ça m'avait manqué.

Il avait peu dormi, ses vêtements et son corps étaient tâchés de sang, et pourtant, Saigo s'était rarement senti aussi bien. Il regagnait la plage, cape et capuche rabattue sur la tête. L'habit était clairsemé du sang d'une quelconque bête, au même titre que le visage du Faucheur, rouge comme ses yeux. Sous la cape, le stryge avait choisi d'aller torse nu. Ses nouvelles double-dague, reliées par une chaîne, se balançait mollement à chacun de ses pas, leurs pics venant ouvrir la chair de l'Exécuteur au fur et à mesure qu'il progressait vers son destin.

Parvenu sur la plage, Saigo s'étonna de ne pas retrouver son acolyte. Il fut d'autant plus surpris, car leur navire était loin d'être le seul sur la berge. Des dizaines et des dizaines d'embarcation avait accosté. Pourtant, le stryge ne voyait pas l'ombre d'un passant sur le sable. C'est alors qu'une demi-douzaine de femmes, nues, également tâchées de sang, l'interpellèrent, lui faisant signe de les suivre.

Sûrement le comité d'accueil de Styx... songea Saigo en se dirigeant vers elles. Dans le cas contraire, elles ne représentaient aucun danger, étant donnée qu'elles n'avaient aucune forme de protection, et visiblement, aucune arme sur elles.

Il suivit ces nymphes dans la forêt. Le trajet dura seulement quelques minutes, avant qu'ils ne débouchent sur une sorte d'arène circulaire. La foule était présente en masse, et Styx se tenait en son centre. Entre les deux assassins, un enfant flottait dans les airs, il semblait beaucoup souffrir. Sous les cris de la foule, l'Exécuteur s'avança de plusieurs pas, s'arrêtant momentanément, afin que l'enfant soit à égale distance des deux assassins. Puis il repris sa marche jusqu'au rejeton. Tirant l'une de ses dagues, arrachant ces pointes de son corps, Saigo n'hésita pas.

Styx m'a prévu tout un rituel dis-donc... Bon... quelle est la chose la plus tarée qu'il pourrait attendre d'un des siens ?

La réponse lui apparaissait claire comme de l'eau de roche. D'un geste vif, il trancha la jugulaire de l'enfant. Ses veines gonflées de manière irréelle explosèrent en un flot de sang monumental, qui vint éclabousser les spectateurs du premier rang. Saigo lui même fût frappé par plusieurs giclées d'hémoglobine, sans s'en alarmer. Seconde étape, il déploya sa griffe droite, et sans hésiter, il la plongea dans les entrailles du sacrifice, lui arrachant brutalement le cœur. L'organe en main, le Faucheur le brandit au-dessus de sa tête, le serrant de toutes ses forces. Du sang s'écoulait le long de son bras nu, tandis que la clameur redoublait d'intensité. Saigo regarda le clown, droit dans les yeux, presque avec une lueur de défi. Puis il porta le cœur à sa bouche.

Il mordit dedans.

Le cannibalisme n'était pourtant pas une pratique dont le stryge noir était adepte. Il avait d'ailleurs dressé son corbeau pour qu'il ne vienne pas becqueter la chair de quiconque. Pourtant, sur le moment, cela lui avait paru comme la chose logique à faire. Il ne se l'expliquait pas, il faisait, c'est tout. L'Exécuteur englouti la totalité du cœur, sans quitter l'arlequin du regard. Lorsqu'il eut fini, il fit un pas dans sa direction, et écarta les bras, l'air de dire :

Et maintenant ?

Styx contempla le spectacle d'un air presque désintéressé; le menton levé, les yeux mi-clos, un air condescendant en somme. En réalité, il devait à présent se contrôler, tout ce que Saigo était en train de faire l'avait rendu extrêmement...

Je ne comprendrais jamais l'esprit de vous autre bipèdes... avoir de telles pensées durant une cérémonie ce n'est pas de l'hérésie ?

Bien au contraire, ami insectoïde, ma Déesse serait fière.



Le Stryge découpait l'enfant, à mains nues, et plongeait désormais dans ses entrailles, les fouillant à la recherche du cœur. L'arlequin n'en pouvait plus. Tout ce sang, toute cette violence gratuite, tout ! TOUT !

Il se passa une main frénétique dans les cheveux pendant que le Stryge mangeait. Tout s'accordait parfaitement au rite alors que rien n'avait été expliqué, cet assassin était donc l'étalon tant attendu. Désormais gorgé de la mixture confectionnée par Equinox (qui regardait avec insistance Styx, comme si elle s'attendait à ce qu'il... oh c'est Equinox quoi), Saigo devenait le réceptacle parfait. Son esprit s'ouvrait à qui savait les voir, son corps était parcouru par les puissances souterraines qui marchent en continu parmi nous... Il était magnifique. Son aura prenait même la forme d'un Dragon Blanc, carnassier et impérial.

La foule criait à s'en rompre les cordes vocales. Le moment était donc venu. D'un claquement de doigt, l'arlequin projeta une épaisse fumée rouge envahir l'assemblée, qui comme prise de frénésie, se mit au départ à chanceler comme hypnotisée, puis, lentement, les mouvements devenaient rapides, fougueux, ardents.

"Cédez à vos pulsions mes frères, juxtaposez vos âmes à celle de notre Cavalier ! Admirez-le ! Admirez le charisme de celui qui n'a pas peur, de celui qui n'en aura jamais ! Il sera le Dragon qui avalera le monde, et nous, ses destriers. Laissez-vous envahir par les visions du futur, les cités à brûler, les grands à détrôner, les puissants à manipuler ! Soyez sauvage, honorez le Cavalier ! Comme il parlait, le trio des Sorcières de Lem'Sa s'approcha du Colisée, pointant Saigo du doigt. "Je sais" pensa l'arlequin. Il s'avança, vers un Saigo attendant la suite. Il n'allait pas être déçu. Mon ami, l'heure est venue pour toi de passer par les braises, puisse-tu en ressortir vivant."

D'une main assurée, l'arlequin trempa ses doigts dans le sang de l'innocent, avant d'essuyer celui que son ami avait sur la bouche. Puis, lentement, il dessina un cercle entrecoupé de lignes sur le front du Stryge Noir.





Bon, il va en avoir pour un moment, je ferais mieux de me jeter dans la mêlée.


Il ôta ses vêtements et saisit une des sorcières par le menton, avant de regarder en riant un Loup-Garou du premier rang.

Saigo n'avait jamais vu ça. Tout autour de lui, une foule en délire, l'acclamait alors qu'il venait de dévorer le cœur d'un enfant. Pas une seule âme n'était emplie de ferveur. Dans le lot, les parents de l'enfant étaient sans doute quelque part, et eux aussi applaudissaient. La suite du rituel était imminente. Alors que Styx exhortait la foule avec charisme, l'Exécuteur demeurait stoïque. Il se sentait bizarre. Il n'aurait su décrire la sensation qui lui parcourait l'échine, mais ce n'était pas normal.

Est-ce à cause du cœur que je viens de manger ? Mon corps réagit-il à ça ? Ou bien est-ce autre chose ?

Le Faucheur était incapable de tirer les choses au clair dans l'immédiat. Lorsque le vampire s'approcha de lui, l'air assuré, il le laissa opérer sans bouger. Les doigts du clown se posèrent sur son visage, provoquant un couinement féminin derrière l'arlequin, que Saigo ne su identifier. Puis Styx susurra quelques mots, après avoir projeté un mur de fumée rouge sur l'arène. Soudainement, l'assassin se sentit léger. Il se sentit comme voler, à travers une brume dont il ne distinguait pas les contours.

C'est donc ça que Styx voit quand il abuse de l'herbe ?

Soudainement, la clarté se fit autour de lui. Il avait quitté l'arène, Wystéria, la foule en délire, pour se retrouver dans un lieu qu'il connaissait par cœur. Il était dans les cachots de la Tour Noire, l'antre des Exécuteurs. Que faisait-il là ? Tout cela était-il réel ?

Il n'était pas maître de son corps. En fait, il flottait, quelque centimètre au-dessus du sol, contrôlé par une force qu'il ne voyait pas. Cette sensation n'était pas des plus agréable pour Saigo, qui préférait de loin avoir le contrôle de la situation, quelle qu'elle soit. Mais impuissant face à quelque chose qu'il ne comprenait pas, il se laissa guider.

Il traversa plusieurs couloirs, s'enfonçant plus profondément que jamais dans les cachots. Il s'approchait de la légendaire Salle de la Mort. La pièce la plus profondément enfoui sous terre, le lieu ou Onze, l'Exécuteur-en-Chef, la Mort en personne, vivait. Une pièce sacré pour les Exécuteurs, à laquelle seuls les deux Mains de la Mort peuvent accéder. Sans vraiment se poser de questions, Saigo traversa littéralement la porte.

La pièce était plongée dans une pénombre quasi-totale. La seule source de lumière provenait des braises rougeoyantes qui faisaient office de tapis. Une allée étroite, mais inévitable, qui menait, surélevé par deux marches, à une trône large composé exclusivement de crânes et d'ossements humains. Sur le mur du fond, on distinguait vaguement la forme de deux faux entremêlées. Sur les côtés, des chaînes rouillées pendaient du plafond, certaines se prolongeaient par des cadavres à moitié décomposés pour la plupart, même si d'autres, plus récent, laissait s'échapper quelques gouttes de sang à intervalles réguliers. Saigo était subjugué. Cette pièce était la définition même de ce à quoi un Exécuteur aspirait.

Mais la pièce était vide.

En fait, ce n'était pas là que l'esprit du Faucheur se dirigeait. Il voguait lentement vers une pièce adjacente, cachée derrière le trône de Onze. Il existait donc une pièce encore plus profonde que la Salle de la Mort ? À nouveau, le stryge solitaire traversa la porte, et ce se figea sur place. L'endroit dans lequel il se trouvait à présent était bien plus vaste, et mieux éclairé. Deux rangées de torches éclairaient les lieux. Sur la droite, un autel dédié au Dragon Blanc avait été érigé, et de l'encens se consumait lentement. Au centre, un étrange rituel se préparait. Une douzaine de stryges noirs, probablement des Exécuteurs, se tenaient droit, chacun avec un corps inanimé dans les mains. Devant eux, une forme plus grande, plus charismatique, tenait deux corps, à bout de bras, sans le moindre effort. Il était vêtu d'une armure lourde sertie de nombreux ornements macabres, et par-dessus son casque intégral, le crâne d'une bête monstrueuse ajoutait à l'aura ténébreuse qui entourait le personnage.

Onze… Songea Saigo, admiratif.

Les autres Exécuteurs, eux, étaient vêtus à la manières des Adeptes du Cri, avec de grandes capes de voyages noires, aux larges capuches rabattues sur le visage. Chacun était muni d'une longue faux bien aiguisée. Enfin, face à ce régiment se tenait un homme, seul, également encapuchonné. Placé ainsi, il ressemblait fort au maître de cérémonie.

Ô Onze, Exécuteur-en-Chef, tout les préparatifs nécessaires sont désormais achevés. Je me dois, une dernière fois, de vous prévenir de la dangerosité de ce que vous entreprenez. Êtes-vous bien certain…

Procédez. Coupa Onze d'une voix assurée et autoritaire.

Le maître de cérémonie s'inclina en respect, et fît signe de débuter. Tour à tour, chaque Exécuteur s'avança avec son corps, qu'il éviscéra à la faux. Le sang qui s'écoulait était utiliser pour tracer un cercle, et à l'intérieur de ce cercle, des formes et des glyphes magiques dont Saigo n'avait bien sûr aucune notion. Pour finir son passage, chaque Exécuteur s'infligeait une large entaille au visage, et laissait couler le sang à l'endroit où il devait se tenir pour le reste du rituel. Lorsque ce fût le tour de Onze, c'était déjà une vrai mare de sang qui jonchait le sol froid du cachot. L'Exécuteur-en-Chef s'avança au centre du cercle, et réalisa la même routine que ses prédécesseurs. Enfin, le cercle était complet. Les runes étaient inscrites, tout le monde était en place, et les corps utilisés en sacrifice formaient un cercle supplémentaire, comme une prison cadavérique de laquelle nul ne pouvait s'échapper. Le maître de cérémonie leva les mains.

Dans la gloire et le sang ! Dans la pénombre et la douleur ! Nul n'échappe au courroux des Exécuteurs ! Terrifiant son ces guerriers, si habiles à torturer ! De la Mort ils sont épris ! Au Dragon Blanc ils sont soumis !

S'ensuivirent de longues secondes d'incantations dans un langage inconnu et indescriptible. Plus de doute, c'était un Adepte du Cri, sans doute leur Superviseur, qui dirigeait le rituel. Le langage Draconique de cette branche est légendaire dans les étages de la Tour Noire. Lorsqu'il eut terminé, la totalité des Exécuteurs assistant se tournèrent comme un seul homme, se saisirent du cadavre qu'ils avaient précédemment éviscéré, et arrachèrent les radius et cubitus droit de leurs victimes. Puis, dans le même ordre que précédemment, ils tendirent les ossements à Onze, qui un par un, broya chaque os à mains nues. Réduits en poudre, les ossements furent ensuite disposés au-dessus du sang précédemment versés.

À nouveau, les « assistants » furent mis à contribution. Chacun leur tour, pendant de longues minutes, ils vinrent arracher, à l'aide de leurs faux, l'une des plumes des ailes de Onze. L'opération se répéta jusqu'à ce qu'il ne reste plus la moindre plume à l'Exécuteur-en-Chef. Ce dernier n'avait pas émis le moindre son, laissant les siens faire sans broncher. Lorsque enfin il ne resta plus que ses os exposés, il les arracha sauvagement dans un râle guttural qui ne ressemblait en rien à de la douleur. Puis, comme il l'avait fait avec les os de ses victimes, il broya ses propres os à mains nues. La seule différence était que la poudre obtenue était recueillie par le maître de cérémonie, qui confia ensuite le récipient à l'Exécuteur-en-Chef. Ce dernier recommença alors à lancer des incantations Draconique. Quelques minutes plus tard, le sang qui composait le cercle s'agita, s'illuminant d'une lueur inquiétante, se mêlant à la poudre d'os. Soudain, l'hémoglobine s'éleva brutalement dans les airs, créant une prison de sang pour les Exécuteurs. Saigo, qui observait en retrait depuis le début, se retrouva comme aspiré à l'intérieur. Il se retrouva aux côtés de Onze, son chef, son idole. Face à lui, le visage de l'Adepte du Cri, sérieux et froid, se transformait sur l'écran rouge qui lui faisait face. Peu à peu, ses traits se distendaient, tandis qu'il prenait la forme de l'entité qu'il vénérait tant. Le Dragon Blanc faisait face à Onze, terrifiant et majestueux. L'Exécuteur-en-Chef lui-même avait perdu de sa superbe face à la divinité. À travers la voix de l'Adepte, Mahriser s'exprimait :

Descendant de Mahriser, tu as brisé le mur qui sépare mortels et divinités. Désormais, par la toute-puissance du Dragon Blanc, ton souhait le plus cher saura s'accomplir…

Et pour illustrer ces paroles énigmatiques, un spectacle macabre se joua devant les yeux ébahis de Saigo, de Onze, et de toutes les personnes présentes dans la salle. Les os précédemment broyés se reformèrent, pour créer un squelette complet. Tout autour de Onze, les autres Exécuteurs tombèrent les uns après les autres, raides morts, tandis que différentes parties de leur anatomie venaient se greffer à la création du Dragon Blanc. Les pouvoirs de ce dernier semblaient incommensurables. Il était capable de créer la vie à partir de presque rien ! Le corps d'un nourrisson, baignant dans le sang, ennemi comme allié, s'était formé. Il flottait dans les airs, innocemment. Prudemment, cérémonieusement, Onze s'approcha du nouveau-né, et lui fît ingurgité la poudre d'os de ses ailes. Une fois tout avalé, la voix de Mahriser s'éleva à nouveau.

Ton vœu… est exaucé.

Et tout s'arrêta.

Seuls restaient dans la pièce Onze, l'Adepte du Cri, et le nouveau-né. Tout autour d'eux, une montagne de cadavres. Le maître de cérémonie avisa l'enfant, avant d'interroger Onze du regard.

Mon héritier… Déclara-il, essoufflé. Le sang et les os de mes ennemis et de mes alliés. Ceux qui ont été brisés et ne se briseront plus, combinés à ceux qui partagent mes idéaux et me sont loyaux. Le corps et les entrailles des miens, qui transmettront leur gloire à cet enfant. Et enfin… mes ailes. Lorsque le temps viendra, cet héritier me succédera sur le Trône de Crâne et dirigera les Exécuteurs.

Mais pour l'heure… que faire ? Questionna l'Adepte.

Confie-le à une famille. Des péquenauds de base. Dis-leur de se contenter du strict minimum. Pour maximiser nos chances, l'enfant devra faire ses armes seul, et le plus tôt sera le mieux.

Pourquoi cela ?

Ce rituel à sapé une large partie de mon énergie vitale, et a divisé mon espérance de vie par deux.

Maître !

Tais-toi ! Lorsque le moment sera venu, les Exécuteurs, tous sans exception, se prosterneront devant ce rejeton. Il accédera au statut de légende. Il est mon héritier. Il est destiné à la gloire. Maintenant va !

Et Saigo fût à nouveau aspiré dans une sorte d'avance rapide mystique. Il vit l'Adepte confier le nourrisson à un couple. Si quiconque avait pu le voir à cet instant, il aurait lu la stupeur sur le visage de l'assassin. Le couple qui avait été choisi pour élever l'héritier de Onze… il s'agissait de ses parents. La vérité se faisaient enfin claire dans l'esprit du Faucheur.


Abasourdi par cette révélation, Saigo ne remarqua pas immédiatement qu'il était de retour sur Wystéria, un genou à terre, le souffle court, au centre de l'arène qu'il avait quitté depuis… combien de temps exactement ? Il n'en avait aucune idée. Styx était toujours là, la foule était toujours là. Le stryge solitaire se redressa lentement, peinant à mettre de l'ordre dans ses idées. Ce qu'il avait vu, si cela s'avérait vrai, changerai le cours de son existence à tout jamais. Encore désorienté, il interrogea son camarade vampirique du regard, dans le vain espoir d'obtenir une quelconque réponse.

Plusieurs heures s'étaient écoulées.

Pour beaucoup, Saigo n'était pas le Cavalier, et ceux-ci s'étaient contenter de soupirer, une fois les festivités terminées, avant de rentrer. Il ne restait désormais qu'une poignée de fidèles, rassemblés autour du Valet, qui s'amusait avec ses cartes. Depuis le début il n'avait jeté aucun coup d’œil envers le corps du Stryge étendu au milieu de l'arène.
Ludmila, la vampire et tenancière du cirque ambulant, vint le trouver, accompagnée de Thrall, son fidèle troll de garde.

"- Styx. Sa voix espiègle et mystique sonnait comme des pièces dans l'obscurité. Ton ami... Tu dois reconnaître son erreur, j'ai sondé son âme et malheureu...
- Alors visiblement nous n'avons pas eu affaire à la même personne, Ludmila. Le clown ne déportait pas son regard des cartes, empilées de telle façon à créer une tour aussi grande que désaxée. Il était prêt... il... je suis persuadé qu'il se réveillera.
- L'assemblée s'impatiente. Le cercle intérieur (une sorte de table ronde supervisant les actions du Valet. Même ici, Styx n'avait pas tous les pouvoirs. Enfin d'après d'obscures conventions. Qui se rompaient aussi facilement que les cous) te convoquent, les Sorcières de Lem'Sa affirment cependant la même chose que toi... Je... Dis-moi quoi leur dire.
- Ces vieilles harpies m'auront au final servi. Envois-les discuter avec le Cercle, ça me fera gagner du temps, leur charabia mystico-conneritique les endormira peut-être.
- Tu ne sembles pas perturbé par la situation.. ton titre est peut-être en cause.
- Je ne prends aucune décision sans l'avoir étudiée en profondeur, retourné, scalpée, recousue et revue. Je suis le Valet, pas le Cavalier, ici, c'est moi qui réfléchit. Compris ? Son ton n'était ni dure, ni froid, et pourtant, une aura autoritaire s'élevait de la moindre petite lettre qui composait ses mots. Styx pouvait peut-être faire preuve de maturité quand la situation l'exigeait... Ludmila se contenta d'acquiescer, avant de repartir.



Les heures défilèrent à nouveau. Des heures durant lesquelles le château de cartes ne fit que devenir plus grand, et l'assemblée plus maigre. Les parents du petit garçon étaient là, ils étaient restés impassibles toute la nuit, à regarder le corps de Saigo. S'il échouait, alors leur fils aurait aussi échoué. L'âme pure de l'enfant n'aurait su repousser les dangers de l'Immatériel, et le prêtre n'aurait su prêcher la bonne parole. C'eut été ironique pour le Malicieux d'être pris au jeu de dupes auquel il s'était adonné toute son existence.

Toutefois, à la levée des aurores, le vampire détecta un muscle du Stryge se mouvoir, puis un autre, et encore un autre. Nul doute, son corps fonctionnait...
Derrière lui, la foule qui restait s'amoncela, émerveillé. Bientôt, leurs cris de joie ramenèrent au Sabbat improvisé d'autres apôtres.

Faisant valser son immense château, Styx se précipita vers son ami, le menton levé, comme un général sorti victorieux d'une guerre. Saigo avait une lueur d'incompréhension dans le regard, et était encore visiblement perdu.
Alors sans un bruit, et sous la foule qui retenait son souffle, Styx pénétra de nouveau dans l'Immatériel en un instant. Le temps se figea autour de lui, les feuilles mortes cessèrent leur tombée, la rosée matinale se gela, les oiseaux se turent. Si Saigo était resté aussi longtemps dans l'Intangible, l'arlequin y jouait à domicile, et le parcourir ne nécessitait que quelques secondes. ( Au mieux, ils verraient d'étranges feux valser en ses orbites )

Dame Fortune était là, sautillant parmi les brumes.

"- Ton ami est venu ! Ton ami noir, celui que tu dis ne pas aimer.
- Hum... Et que lui as-tu montré ma Dame ?
- Quelle manière franchement abrupte de s'adresser à sa Déesse, Styxounet ! On va se calmer,  t'aurais dû dormir un peu, tu es d'humeur massacrante. De toutes façons je ne te dirais rien.
- Tu vas me forcer à entrer dans sa tête ? J'aimerais éviter.
- Hihihi. Sauf si bien sur, tu admet que c'est quand même un ami.
- Quoi ?! Mais c'est...
- Aléatoire ? Oui ! C'est Moi ! Dame Fortuuuuune !
- C'est peut-être un ami.

- Voilà ! Voilà ! Voilà ! Bingo mon gros ! Tout juste Auguste ! Héhéhé, laisse-moi te raconter l'histoire du bébé Stryge.. "

Quand il revînt à lui, comme si de rien était, ( l'éternité laissait beaucoup de temps pour s'entraîner à ne rien dévoiler. Même si là tout de suite, il comprenait parfaitement l'étendue des possibilités qu'ouvraient les visions de Saigo ) l'arcaniste termina sa marche, et s'écroula près du Stryge. Il rit à gorge déployée.

" Honnêtement, je commençais à me demander si tu reviendrais de l'Immatériel... Tu t'y es rendu sans préparation, sans avertissements, et bien drogué. Désolé pour ça. Mais tu es revenu... Et elle t'a montré. Voilà qui fait de toi notre noble Chevalier ! Tu seras désormais, et au même titre que moi, le gouvernant de ses adorateurs, "Les Amants de Dame Fortune", tu sais, ceux que le Roi surnomme affectueusement "terroristes", ou "psychopathes", ou encore "adorateurs de démons". Des légions t'attendent, toi et ta Destinée Sanglante. Tu es de noble rang non ? Papa Onze était un sacré mec... voilà de qui tu tiens ta sauvagerie... ça me plaît ! Ah... les choses que tu vas accomplir me font jubiler d'avance. Mais pour l'instant si tu me le permet. Il fit signe à un homme de l'assemblée de s'approcher, avant de lui trancher la trachée d'une carte lancée avec nonchalance. Il but à même le sol, sans bouger, récupérant les flots de sang qu'il pouvait. Je suis exténué, j'ai veillé à ce qu'ils ne te brûlent pas prématurément, et j'ai rempli mon devoir de Valet envers toi, alors je crois que je vais dormir un peu. N'ai crainte quant à ton devenir parmi nous, je t'exposerais tout ce que tu voudra savoir en temps voulu. Un dernier mot avant de boucler ce tournant décisif de ton histoire ? "

De nouveau maître de son corps et de ses mouvements, Saigo s'était assis à même le sol de l'arène. La foule s'était largement dispersée, et le soleil pointait déjà derrière le feuillage des arbres de Wystéria.

J'ai dormi combien de temps, putain ?

De toute évidence, des heures entières. Pour ce qui avait été une vision de seulement quelques minutes, le temps avait défilé à une vitesse phénoménale. Mais les conséquences de ladite vision, si elle s'avérait vrai, valaient bien toutes ses heures perdues.

Styx vint se placer à ses côtés. Manifestement, lui aussi savait. Le vampire avait également été témoin du rituel qui avait mené à la création de l'Exécuteur. Les Exécuteurs… à son retour de l'île, il retournerait à la Tour Noire. Il aurait la réponse à cette étrange vision. Et si tout ce qu'il avait vu était vrai, alors il se préparerait à prendre la place de son « père » et à régner d'une poigne de fer sur les Exécuteurs. Son acolyte vampire lui avait fait miroiter la possibilités de commander des légions entières. Les guerriers des cachots seraient son unité maîtresse.

Sur sa droite, le vampire arlequin déblatérait des flots de paroles que le stryge noir peinait à capter. Ainsi donc, il rejoignait officiellement les Amants de Dame Fortune. Le nom était… assez spécial. Sans doute le clown aurait-il pu trouver plus classe, mais après tout, ce n'était pas très important. À terme, les petites gens parleront d'eux pour leurs actes, et le Faucheur comptait bien être en tête de file pour verser le sang.

Pour les informations, on verra demain… Moi aussi je suis cramé, et j'ai besoin de réfléchir. Tu m'as bien dit que j'étais aussi gouvernant de tout ce monde ? Demanda-il à Styx avant de pointer du doigt un homme dans la foule. Tiens toi, là ! Viens avec moi. Je réfléchis mieux quand j'entends des cris…

Flanqué de l'arlequin, il quitta l'arène qui l'avait vu devenir le Cavalier, et trouva un coin tranquille. Là, il tortura l'inconnu pendant de longues heures, brisant ses os un par un dans l'ordre alphabétique. Lorsque son invité expira son dernier souffle, le stryge s'endormit à son tour.

Le lendemain, il alla trouver Styx. Le rituel était terminé, mais le Faucheur avait une dernière petite question en tête. Étrangement, il ne concernait pas directement les Amants, ou son rôle de Cavalier. Cela, il l'avait vaguement assimilé, consistait essentiellement à massacrer des innocents, chose que le stryge noir maîtrisait assez bien, et appréciait par-dessus tout. La question qu'il soumis au vampire était tout autre.

Dis-moi Styx… Est-ce qu'on s'est tapé tout ce chemin, un massacre de pirates bourrés, un combat à rallonge contre un élémentaire d'eau amateur de rodéo, une intervention moisie de clampin A et clampin B et quasiment une semaine d'ennui mortel juste pour ton rituel ? Non parce que vu que tout tes copains sont venus en bateau, ça aurait été plus pratique de faire ça directement sur le continent, non ?

Saigo espérait très fort qu'il y avait autre chose, une raison caché, un objectif supérieur, n'importe quoi. Il n'était pas sûr de pouvoir supporter le voyage retour avec le clown, surtout si ce dernier sombrait à nouveau dans la folie qui le caractérisait si bien.

Et dire que maintenant on est alliés…